Ce mardi 25 novembre 2025, le ministre Vincent Jeanbrun a enfin répondu aux inquiétudes de la filière sur la suppression des aides MaPrimeRénov’ pour les chaudières bois-biomasse à partir du 1er janvier 2026. Interpellé par la sénatrice Anne-Catherine Loisier, il s’est dit « à titre personnel » favorable au bois. Une déclaration bienvenue. Mais les explications qui ont suivi entretiennent, une fois encore, une grande confusion.
Selon le ministre, la sortie des chaudières bois des aides monogestes aurait été décidée « au regard des performances en matière de rendement et d’émissions de CO₂ », laissant entendre que les pompes à chaleur (PAC) seraient systématiquement meilleures. Avant de reconnaître quelques secondes plus tard que le mix énergétique reste pourtant nécessaire. C’est à n’y plus rien comprendre.
D’autant que cette décision a été prise par le précédent gouvernement, la veille de sa démission, sans tenir compte des avis du Conseil National de l’Habitat (CNH) et du Conseil Supérieur de l’Énergie (CSE) – où siègent plusieurs parlementaires. On s’étonne donc que l’on renvoie aujourd’hui au débat parlementaire… alors même qu’il s’agit d’un sujet réglementaire pouvant parfaitement être revu par le ministre.
1- Le bois « réservé aux rénovations d’ampleur » : vrai sur le papier, faux dans les faits
Le gouvernement affirme que le bois-biomasse reste soutenu dans les rénovations d’ampleur.
En théorie, oui. En pratique, quasiment jamais.
Pourquoi ?
Parce que toute rénovation d’ampleur nécessite un audit énergétique préalable réalisé avec des logiciels reconnus. Or :
🔹 Ces logiciels orientent massivement vers la PAC
Avec la modification du coefficient de conversion de l’énergie primaire de l’électricité (passé arbitrairement de 2,3 à 1,9 en 2025), les PAC deviennent mécaniquement « favorisées » dans les simulations… même lorsque ce n’est pas la solution la plus adaptée au bâtiment.
Pour rappel, un coefficient plus réaliste serait autour de 2,58 pour la France, comme le reconnaissent de nombreuses analyses techniques.
🔹 Le bois et le solaire thermique sont, eux, pénalisés
Dans les mêmes audits, ces solutions apparaissent moins « performantes »… non pas en réalité, mais par construction algorithmique.
Résultat : très peu de chaudières biomasse sont finalement prescrites dans ces rénovations d’ampleur. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous demandons à ce qu’à l’issu d’un diagnostic énergétique deux scénarios avec des solutions bas carbone différentes et des performances énergétiques équivalentes soient proposées et non pas une seule (point 17 du manifeste de la filière rénovation du 7 mai 2025).
Dire que le bois reste aidé pour ces rénovations revient donc à soutenir une possibilité théorique qui, dans le réel, n’aboutit presque jamais.
2. Rendements et CO₂ : remettre les données techniques dans le bon ordre
La réponse du ministre laisse entendre que les PAC seraient plus performantes et plus vertueuses que les chaudières biomasse. Or les données officielles racontent une toute autre histoire.
🔹 Rendement : les chaudières bois modernes sont excellentes
Les chaudières granulés ou bûches affichent :
– 95 à 107 % de rendement selon les modèles
– une chaleur stable, adaptée aux logements peu ou moyennement isolés
– une performance réelle, indépendante du type d’émetteurs (radiateurs, plancher chauffant, etc.)
À l’inverse, parler de “rendement” pour une PAC n’a pas vraiment de sens car son fonctionnement repose sur un COP (Coefficient de Performance Énergétique), sensible :
– à l’isolation du logement
– à la température extérieure
– au type d’émetteurs
– à la température de départ du circuit de chauffage
➡️ Une PAC installée dans une maison peu isolée avec des radiateurs peut voir son COP réel chuter drastiquement, rendant la performance théorique très éloignée de la performance réelle.
🔹 CO₂ : les chiffres officiels sont sans appel
Selon les facteurs d’émission du Gouvernement français* :
– Bois énergie : 30 gCO₂e/kWh
– Électricité chauffage (en hiver) : 147 gCO₂e/kWh
➡️ Soit 5 fois plus pour le chauffage électrique conventionnel
Pour les PAC, l’ADEME estime un COP moyen de 2,9 → CO₂ d’une PAC = environ 50 gCO₂e/kWh
➡️ Soit 67 % de plus que le bois énergie
*Ces chiffres sont publics, officiels et disponibles ici :
https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-facteurs-d-emission-de-gaz-a-effet-de-serre
3. Une politique du “tout électrique” qui ignore les besoins réels des territoires
Pour de nombreux foyers, notamment dans les territoires ruraux, une chaudière biomasse reste :
– un monogeste robuste
– performante quel que soit le bâti
– fiable face aux contraintes climatiques
– peu émettrice de CO₂
– économique, même avec les fluctuations de marché
– Et surtout , c’est l’une des seules solutions réellement efficaces dans les logements anciens avec radiateurs.
La filière, elle, est prête à débattre et à apporter son expertise. Mais encore faut-il qu’elle soit entendue. Malgré une mobilisation constante et l’engagement remarquable de parlementaires comme Anne-Catherine Loisier, les lignes ne bougent pas. La France poursuit une trajectoire de tout-électrique sans regarder les réalités de terrain.
Conclusion : il est temps de revenir à la raison
Les chaudières biomasse modernes :
– affichent des rendements excellents
– émettent moins de CO₂ qu’une PAC
– sont adaptées à tous les types de logements
– répondent aux logiques de mix énergétique que le ministre lui-même appelle pourtant de ses vœux
Il est donc incompréhensible de supprimer les aides monogestes pour une solution :
– éprouvée,
– climatiquement vertueuse,
– largement soutenue par les territoires,
– et indispensable pour atteindre nos objectifs énergétiques sans exclure les ménages des zones rurales.
La filière continuera à se mobiliser pour que les décisions publiques s’appuient sur les données réelles et non sur des idées reçues. Défendons nos territoires et retrouvons une vision cohérente du mix énergétique.